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Leur société
La croissance... des profits et de la précarité
Selon les dernières statistiques, le rythme de la croissance économique en France tend à s'accélérer : en 1999, l'activité aurait progressé de 2,7 %, au-delà des prévisions du ministère de l'Économie. Et depuis quelques mois le rythme approcherait de 4 % l'an.
Un dirigeant de la banque américaine Morgan déclarait à ce propos : " La principale question qu'on me pose aujourd'hui, c'est : Comment se fait-il que la situation aille si bien en France ? " Il est vrai que, du point de vue de la finance et des industriels, la situation est excellente et que la progression des bénéfices d'une année sur l'autre est beaucoup plus spectaculaire que la croissance de la production.
La croissance, c'est donc incontestablement celle des profits. Du point de vue des travailleurs, en revanche, il en va bien différemment, même si les ministres de l'Economie et de l'Emploi, Sautter et Aubry, se disputent la primeur des communiqués de victoire annonçant 420 000 emplois créés en 1999, et une baisse du chômage qui ferait de cette année-là " la meilleure année de la décennie pour l'emploi ". Il faut tout de même noter que l'essentiel de cette augmentation concerne le secteur tertiaire, ce qui inclut l'intérim (y compris les intérimaires travaillant dans l'industrie). Pour l'industrie seule - hors intérim -, les statistiques officielles annoncent seulement 15 000 emplois supplémentaires. De toute façon, il n'y a pas de quoi se pâmer puisque le chômage touche encore plus d'une personne active sur 10 (10,6 %), et ce chiffre officiel ne prend pas en compte tous ceux qui passent fréquemment du chômage à des petits boulots, mal rémunérés et précaires, parfois à temps partiel... et bien des chômeurs qui ne sont tout simplement pas comptabilisés.
A ce propos, dans une interview au Monde, le directeur général de l'ANPE a signalé que " cinq millions de personnes s'inscrivent chaque année comme demandeurs d'emploi, et un peu plus, maintenant, en sortent ", ce qui - involontairement - atteste du nombre extrêmement élevé de travailleurs qui ont connu une ou plusieurs périodes de chômage au cours d'une année et qui donc ne s'en sortent pas. Le responsable des agences pour l'emploi a aussi nié que les radiations, de plus en plus nombreuses (plus de 200 000 en un an), puissent fausser les statistiques du chômage, indiquant que 35 % des personnes radiées sont à nouveau inscrites à l'ANPE dans les six mois qui suivent leur radiation, et 50 % au bout d'un an. Admettons, mais les 50 % restants ?
En tout cas le gouvernement n'oblige pas le moins du monde le patronat à embaucher, de même qu'il se refuse à augmenter les emplois dans les services publics. Les ministres se contentent d'un sourire béat devant les statistiques à mille lieues des préoccupations de ceux qui subissent le chômage.