Argentine : De la Rua chassé par la rue... son successeur aussi !04/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1745.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : De la Rua chassé par la rue... son successeur aussi !

En Argentine, l'explosion sociale a eu raison du président De la Rua et de son gouvernement en majorité du Parti radical. Adolfo Rodriguez Saa, qui devait assurer l'intérim jusqu'à l'élection présidentielle de mars prochain, n'a pas fait long feu.

Les manifestations, mobilisant à la fois les couches populaires et une partie de la petite bourgeoisie, s'accompagnant des mises à sac de supermarchés par les plus pauvres, se sont étendues.

En réponse, De la Rua avait décrété l'état de siège. L'intervention télévisée où il réaffirmait son intention de ne rien changer à sa politique économique avait été saluée par un redoublement des manifestations. Il ne lui restait plus qu'à jeter l'éponge.

Chômage et misère grandissent

Des mises à sac de supermarchés comparables à celles des jours derniers avaient déjà eu lieu en 1989. Il a toujours existé une différence de niveau de vie entre les provinces, traditionnellement plus pauvres que la capitale. Le fait nouveau est que les émeutes de la faim ont atteint cette fois Buenos Aires. En effet, l'ultime dégradation de la situation, une nouvelle montée du chômage et une nouvelle baisse de la production, a surtout frappé, ces dernières semaines, la capitale et la province de Buenos Aires.

La misère des chômeurs, les salaires et les pensions non payés avaient soulevé les couches les plus pauvres de la population. Les dernières mesures d'austérité, qui limitaient les retraits d'argent liquide, ont fait exploser la situation. Il devenait impossible, par exemple, de travailler au noir, aussi bien pour les travailleurs que pour leurs employeurs, faute d'argent disponible. Tous, pour des raisons contradictoires, estimaient que le gouvernement avait touché le fond. A son tour, la petite bourgeoisie a exigé dans la rue, son départ. Sa présence a d'ailleurs marqué les manifestations où l'on refusait que les partis politiques aient des banderoles et où le drapeau argentin était brandi.

Après que la rue eut crié son rejet d'un gouvernement et d'une politique d'austérité, d'autres politiciens se sont réunis pour désigner un président par intérim. C'est ainsi que le gouverneur péroniste de San Luis s'est retrouvé dans le fauteuil de De la Rua et a annoncé comme premières mesures des mesures d'apaisement. Le 1er janvier, les Argentins devaient disposer d'une troisième monnaie, l'argentino, qui officialisait dans les faits les "patacones", ces bons émis dans nombre de provinces pour payer les employés des institutions locales.

L'argentino, à la différence du peso, ne serait pas convertible en dollar. Sa mise en circulation signerait l'abandon, au moins partiel, de la convertibilité du peso en dollar et une dévaluation discrète puisque cette nouvelle monnaie ne vaut que 70 % du peso-dollar.

Pour le reste, Saa avait annoncé suspendre le paiement de la dette et créer un million d'emplois. Enfin, il disait vouloir annuler le décret de De la Rua qui protégeait les militaires de toutes demandes d'extradition.

Nouvelle intervention de la rue

Une rumeur avait accompagné la nomination de Saa : le fait qu'il ferait tout pour conserver le fauteuil présidentiel, y compris en reportant l'élection. D'autre part, sa réputation est celle d'un politicien corrompu, l'un des plus riches du pays. Sa famille a bâti sa fortune en conservant, à son usage, la province de San Luis comme un fief, presque sans interruption depuis le tout début du xxe siècle.

Vendredi 28 décembre, Saa avait annoncé le nom des politiciens dont il voulait s'entourer. Tout le monde avait reconnu les noms de politiciens corrompus et discrédités. La réaction ne s'est pas fait attendre. La petite bourgeoisie de Buenos Aires est à nouveau descendue dans la rue avec des casseroles. Quand quelques centaines de jeunes ont cherché l'affrontement avec la police, les manifestants ont quitté la place de Mai, siège du palais présidentiel. Mais Rodriguez Saa annonçait à son tour qu'il renonçait.

Maintenant, la classe politique argentine cherche en son sein celui qui pourra ramener l'ordre. Le 1er janvier, les parlementaires ont siégé pour se mettre d'accord sur le nom d'un président. Au terme de ces tractations entre les différents partis, péronistes, radicaux et centre-gauche du Frepaso, c'est Eduardo Duhalde qui a été choisi.

Vers un gouvernement d'union nationale

Duhalde contrôle l'appareil du parti péroniste dans la province de Buenos Aires, où les péronistes sont traditionnellement forts. Depuis longtemps, ils y ont distribué de la nourriture aux plus pauvres pour écarter toute menace d'explosion sociale. Il reste à savoir de quel crédit politique dispose maintenant Duhalde. Car il va se retrouver devant les mêmes difficultés et les mêmes échéances que ses deux prédécesseurs.

Pour le moment, il est décidé à s'entourer d'une équipe qui devrait compter des représentants des principaux partis bourgeois - péronistes, radicaux, centre-gauche du Frepaso -, une sorte d'union nationale.

Pour la population laborieuse, la situation reste extrêmement difficile. Dans la province de Buenos Aires, le chômage dépasse les 40 %. Une grande partie des salaires et pensions ne sont pas versés. Les retraits d'argent restent limités et les queues devant les banques sont très longues.

L'extrême gauche demande la convocation d'une Assemblée constituante et met désormais en avant Luis Zamora et Patricia Walsh, récemment élus à la députation, comme candidats à la présidence et à la vice-présidence. Le 1er janvier, les militants d'extrême gauche qui appelaient à manifester au Parlement ont été attaqués par les gros bras du parti péroniste.

De toute façon, les travailleurs argentins ne pourront faire entendre et aboutir leurs exigences que s'ils continuent à se mobiliser pour elles. Autant dire qu'ils devront rester vigilants et ne pas se laisser bercer par les éventuelles promesses d'un nouveau venu qui ne vaut pas mieux que ses prédécesseurs.

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