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Dans les entreprises
Renault Flins : Aux presses, une politique criminelle
Il y a maintenant quelques semaines, un travailleur de l'atelier d'emboutissage de Renault-Flins, dans les Yvelines, a été victime d'un accident du travail dont les conséquences auraient pu être définitives.
Il s'est retrouvé coincé entre deux outils de presse de 40 tonnes. Il a été sérieusement blessé, s'en est sorti vivant, fort heureusement, mais par hasard ! Car on dirait que tout est fait dans cet atelier pour multiplier les risques d'accident : le travail lui-même, l'encombrement insupportable de l'atelier, le rythme de la production et l'impossibilité pour les pontiers de travailler dans un espace suffisant.
Des machines dangereuses
L'atelier d'emboutissage fabrique les pièces de la carrosserie des véhicules. Il utilise pour cela d'énormes presses qui servent à découper les flans de tôle dans des bobines d'acier qui pèsent 20 tonnes chacune. Ces flans sont ensuite transportés sur des lignes d'emboutissage, où ils sont frappés, poinçonnés et détourés jusqu'à recevoir leur forme définitive.
Une seule de ces lignes d'emboutissage fait de 20 à 40 mètres de long, et se compose de 5 à 6 presses. Chacune de ces presses occupe une surface au sol de 10 à 30 m2 et mesure de 6 à 15 mètres de haut.
Sur une seule ligne, on fabrique jusqu'à 7 ou 8 gammes (modèles) de pièces différentes. A chaque gamme de pièces correspondent autant d'outils de presse différents. Il faut 4 à 6 outils de presse par gamme, ce qui fait 30 à 40 outils par ligne. Chaque outil pèse de 10 à 40 tonnes.
Cela donne une idée de l'encombrement que suppose une telle organisation du travail pour une seule ligne.
Eh bien, il existe dans l'atelier 11 lignes d'emboutissage, 5 lignes de découpe et 3 lignes de rabouteuses-laser pour la soudure.
La productivité accroît les risques d'accidents
Depuis plusieurs années, la direction de Renault s'est engagée à fond dans des opérations de gains de productivité, par les suppressions de postes et quelques investissements minimum.
Ainsi, l'atelier des Presses est passé de 2 500 salariés dans les années 80 à 650/700 aujourd'hui.
L'une des conséquences de cette politique est, dans le domaine de la manutention des outils de presse ou dans celle des châssis qui servent à transporter les flans et les pièces, la multiplication des risques d'accidents.
Avec l'arrivée de la production en "juste-à-temps", c'est-à-dire en stock zéro, la direction a cherché à réduire les temps de changement de fabrication. La pression pour "descendre le chrono" dans ces opérations est permanente. Aujourd'hui, ce sont les opérateurs qui effectuent ces changements en 20 minutes à une heure suivant les lignes, contre une demi-journée il y a encore quelques années.
Nous effectuons désormais plusieurs changements de fabrication par jour sur chaque ligne. Les rafales de pièces produites sont si courtes qu'elles ne couvrent souvent qu'une seule journée de production de véhicules dans les différentes usines, voire quelques heures.
Tout cela, on l'imagine, a pour conséquence de multiplier les manipulations d'outils de presse par les pontiers.
Une longue suite d'accidents graves
Il y a quelques semaines, une bobine de tôle s'est décrochée du pont, provoquant la chute de plusieurs autres bobines de plusieurs tonnes chacune. Elles ont écrasé les parois séparant le parc à bobines de l'atelier Automation où trois ouvriers travaillaient dix minutes avant.
Il y a environ un an, une autre bobine s'était décrochée, écrasant totalement le bureau qui se trouvait sur son passage... et dont les occupants n'étaient pas encore arrivés.
Il y a quinze jours, une commande radio d'un des ponts s'est grippée et il a continué à avancer tout seul. Le pontier a enclenché l'arrêt d'urgence mais il ne fonctionnait pas non plus.
Voilà comment la politique de productivité engagée dans les entreprises, et notamment chez Renault, conduit, année après année, de réorganisation en suppressions de postes, au bord de la catastrophe.