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Leur société
Une expulsion empêchée mais la "double peine" subsiste
Le ministère de l'Intérieur a dû renoncer à expulser Moussa Brihmat vers l'Algérie. Ce père de famille, soupçonné de trafic de haschisch, avait été condamné en 1993 à cinq ans de prison, à l'issue desquels il s'est retrouvé interdit de séjour en France. Le fait qu'il n'ait jamais connu d'autre pays, qu'il travaille en France et qu'il y ait toute sa famille ne faisait rien à l'affaire. Pour les juges, Moussa Brihmat, né en France avant l'indépendance de l'Algérie et n'ayant donc pas acquis automatiquement la nationalité française, était expulsable ! La campagne qui s'est développée pour le défendre et dénoncer cette "double peine", prison d'abord et bannissement ensuite, a permis à Moussa Brihmat de rester en France. Rien n'est pourtant définitivement acquis, puisqu'il s'agit d'une simple "assignation à résidence". C'est le tour de passe-passe administratif habituel pour éviter une expulsion sans revenir vraiment sur le jugement. Mais au-delà de son cas, plus de 5 000 personnes sont chaque année victimes de telles mesures de bannissement, et doivent quitter le pays ou y vivre clandestinement.
La législation n'a jamais été bien tendre en France pour les étrangers venus y travailler ni pour leur famille. L'expulsion a toujours été au bout de la moindre condamnation, voire du moindre soupçon. En 1985, Deferre avait instauré une relative protection pour certaines catégories, les étrangers nés en France ou y étant arrivé avant l'âge de 10 ans par exemple. Pour eux les expulsions n'étaient possibles qu'en cas "d'urgence absolue"... ce qui n'empêcha pas totalement le gouvernement d'y avoir recours. Quelques années plus tard, Pasqua dans le cadre de ses lois contre les immigrés fit disparaître toute protection à l'égard des étrangers nés en France ou y ayant séjourné toute leur vie. Il s'en vante d'ailleurs bien fort aujourd'hui.
Mais la gauche revenue au gouvernement, Chevènement se refusa d'abroger ces lois répressives. Il confirma même explicitement la possibilité pour les juges de prononcer cette "double peine", leur demandant simplement de bien penser à motiver leur décision ! Il y avait bien eu quelques envolées oratoires, comme celle de Mitterrand déclarant au cours d'"Assises contre l'exclusion" en 1989 : "Les étrangers qui commettent une faute doivent subir la loi que subirait tout Français, mais non point avec une exclusion supplémentaire". Paroles ! Paroles ! Comme les déclarations de dirigeants de la gauche plurielle qui, juste avant d'accéder au gouvernement, manifestaient contre la "loi Debré", mais qui se gardèrent bien d'abroger les lois Pasqua, qui sévissent encore aujourd'hui.
Cette gauche applique donc encore cette législation inique. La crainte de déplaire à l'électorat réactionnaire pèse infiniment plus que le sens le plus élémentaire de la justice, qui voudrait que l'on supprime toute législation discriminatoire envers les étrangers.