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- Lutte ouvrière n°1776
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Tribune de la minorité
Salaires : Les ministres nous donnent l'exemple
70 % d'augmentation de salaire : mais c'est exactement ce qu'il nous faut !
Les députés, quand ils se penchent sur la question des salaires (en tout cas ceux des ministres), savent remédier aux injustices, et vite. Car, voyez-vous, les membres du gouvernement Raffarin étaient des laissés-pour-compte, la risée de tous leurs confrères européens. Ils ne gagnaient en effet que quelque chose entre 5500 et 6000 euros par mois (sans compter les indemnités plus les avantages de fonction, appartement et voiture avec chauffeur ). La moitié d'un ministre anglais ou allemand, paraît-il. Les représentants de la France presque en guenille ? Raffarin réduit à se faire payer son repas quand il rencontrait Blair ou Schröeder ? Ça ne pouvait plus durer.
Simple réparation d'ailleurs. A la suite des révélations sur Chirac se payant des vacances aux Seychelles aux frais de la princesse, le gouvernement précédent avait décidé de supprimer les fonds spéciaux où les ministres puisaient pour rémunérer leurs collaborateurs et eux-mêmes. Il fallait donc trouver un autre moyen de ramener leurs salaires au moins au niveau précédent. Voilà qui est fait ! Et même au-delà disent les mauvaises langues. Il est vrai qu'entre les nombreuses primes qui viennent grossir la rémunération de base, on a du mal à faire les comptes.
En tout cas, officiellement, un ministre percevra dorénavant 13 300 euros par mois de rémunération brute. Une misère, paraît-il, à côté des salaires des patrons. Ainsi Francis Mer, nouveau ministre des Finances et ancien coprésident du groupe sidérurgique Arcelor, même après la récente augmentation, gagnerait six ou sept fois moins, nous dit-on, que ce qu'il touchait avant d'accepter de se sacrifier au service du pays (684 000 euros par an de salaire de base, sans compter, là aussi bien sûr, stock-options et indemnités de toute sorte, qui devaient doubler ce salaire, au bas mot).
Pour ceux qui pourraient s'émouvoir que les députés aient d'abord songé aux plus hauts salaires, le gouvernement a quand même annoncé qu'il préparait des mesures concernant les smicards.
Quatre semaines à peine avant d'accepter ces 70 % pour ses ministres, il avait refusé le moindre coup de pouce au Smic. Mais c'était, voyez-vous, pour mieux en préparer l'harmonisation. On sait en effet que, grâce à la loi sur les 35 heures, il y a aujourd'hui en fait six Smic différents. Ainsi le plus bas devrait être ramené à la hauteur du plus élevé soit une augmentation de 11,4 % (119 euros) pour un salaire actuel de 1035 euros. Mais attention pas d'un seul coup, progressivement, d'ici 2005.
La comparaison est facile à faire : 13 300 euros par mois, immédiatement et même rétroactivement, pour un ministre ; 1154 euros dans trois ans (si la promesse est tenue) pour les smicards.
Mais il y a quand même quelque chose à tirer de l'audace d'un gouvernement qui s'octroie d'un coup des augmentations mensuelles de 5000 ou 6000 euros. Nous n'avons aucune raison d'être timides dans nos revendications. En comparaison, 300 euros d'augmentation mensuelle, voire 500, apparaîtraient encore bien maigres (et nos salaires même augmentés de la sorte encore plus maigres comparés à ceux de nos grands patrons).
Pour nous aussi d'ailleurs ce ne serait que simple réparation de la baisse subie à cause soit du gel des salaires, soit de la hausse des prix, soit de la hausse des cotisations sociales. Et nous, contrairement aux ministres, pas depuis quelques mois mais depuis vingt ans.
Pour nous aussi cette augmentation est indispensable pour joindre les deux bouts. Et nous, pas pour faire face à nos frais de représentation, mais simplement pour vivre un peu plus convenablement.
Alors, une fois n'est pas coutume : suivons l'exemple venu d'en haut. Mais pour nous inutile de compter sur le Parlement. Les augmentations, il faudra nous les voter nous-mêmes : par les manifestations de rue et par la grève générale.
Rappelons-nous donc le passé, Mai 1968 ou Juin 1936. A défaut de coup de pouce aux salaires, il y a au moins des coups de pied au cul de nos gouvernants qui ne se perdent pas toujours.
(Editorial du lundi 5 août 2002 des bulletins d'entreprise L'Étincelle édités par la Fraction)