- Accueil
- Lutte ouvrière n°2361
- Goodyear-Amiens : My Taylor is rich... et mal embouché
Dans les entreprises
Goodyear-Amiens : My Taylor is rich... et mal embouché
Il y a deux ans, ce même personnage leur reprochait de ne travailler que trois heures, puis de « flâner comme si vous étiez dans un salon de beauté », « de rester au café à boire du vin, du café et bavarder ». À présent, il traite les responsables syndicaux locaux de « timbrés » et de « barjots du syndicat communiste ».
La semaine dernière, la CGT a fait des objections à son plan de reprise de l'usine, qui prévoit d'éliminer trois travailleurs sur quatre. Aussi le PDG s'est-il senti en devoir de faire la leçon au ministre Arnaud Montebourg, « un gentil garçon » qui, s'il eût fait ses études dans une université américaine, aurait « peut-être pu devenir célèbre comme basketteur ou comme joueur de football ». Il l'a pressé de trouver une solution rapide, disant qu'il faut attraper les syndicalistes et « les envoyer à la Légion étrangère en Afrique », et qu'« il doit bien y avoir quelques leaders à la CGT qui ont un cerveau » et avec lesquels on doit pouvoir traiter.
Maurice Taylor est un habitué des déclarations de ce genre, toutes plus réactionnaires les unes que les autres. Candidat dans la course à l'investiture lors des primaires du Parti républicain en vue de l'élection présidentielle de 1996, il affichait un programme proche de celui du Tea Party, proposant la suppression d'un tiers des fonctionnaires et le gel des retraites de la fonction publique.
Il revendique fièrement le surnom de « grizzli » dont Wall Street l'a affublé, à cause de sa sauvagerie dans ses relations avec ses partenaires et les syndicats dans son pays. Issu d'une famille de fabricants de munitions pour les tanks de l'armée américaine (qui surfacturait ses contrats au ministère de la Défense), Maurice Taylor a bâti sa fortune à coups de rachats d'entreprises de pneus dont les multinationales du secteur voulaient se débarrasser : Firestone dès 1983, puis Goodyear qui lui cède la sous-traitance de la production de pneus agricoles aux États-Unis et au Brésil. À chaque fois, la reprise s'accompagne d'un plan de licenciements drastique et d'une dégradation des conditions de travail. En 1998, Taylor conseillait à ses ouvriers américains en grève dans l'Iowa et le Mississipi de s'expatrier vers Cuba, afin de retrouver leurs camarades « gauchistes, socialistes et communistes » et embauchait des salariés non syndiqués afin de remplacer nombre d'entre eux. En 2010, il réussissait à imposer la suppression de deux semaines de congés et le passage à la semaine de soixante heures sans augmentation de salaire dans ses entreprises nord-américaines.
« Très peu de chefs d'entreprise donnent un commentaire ou parlent, c'est parce que tout le monde leur dit : il faut être politiquement correct. Eh bien moi, je ne m'inquiète pas, à mon âge, d'être politiquement correct. » Taylor ne fait qu'exprimer ainsi tout le mépris que l'ensemble des grands bourgeois professent à l'égard des travailleurs qui produisent leurs richesses. La différence réside dans le fait que les autres patrons restent, eux, conscients que les abeilles ouvrières qui alimentent en miel les ours – bien ou mal léchés – peuvent se transformer en un essaim furieux.