Afghanistan : un seigneur de guerre parmi d’autres29/05/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/05/une_2913-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afghanistan : un seigneur de guerre parmi d’autres

Dans une enquête intitulée « Comment les États-Unis ont soutenu le kidnapping, la torture et le meurtre en Afghanistan », le quotidien américain The New York Times éclaire ce qu’a été l’occupation de ce pays par les armées impérialistes durant vingt ans.

Pendant une quinzaine d’années, la ville de Kandahar et sa région ont été sous la coupe d’un certain Abdul Raziq, d’abord milicien, puis chef de la police et, pour finir, général. Les journalistes américains ont récemment sillonné cette région, gouvernée actuellement comme tout l’Afghanistan par les talibans, ce qu’ils disent n’avoir pas pu faire sous le règne de seigneurs de guerre comme Raziq. Ils ont identifié entre un et deux milliers de disparitions, qui se sont très probablement conclues par des tortures et des meurtres perpétrés sur ordre de Raziq et parfois personnellement par lui.

Raziq était, selon le quotidien américain, le « monstre de l’Amérique ». Le général Miller, chef des troupes de l’Otan en Afghanistan, l’appelait son « grand ami » et était à ses côtés lorsqu’il a été tué par son propre garde du corps en 2018. Les forces d’occupation américaines se sont appuyées sur ce chef de guerre et la terreur qu’il inspirait pour combattre les talibans. « Nous avons créé Raziq », précise aujourd’hui un colonel des forces spéciales ; tout comme ses prédécesseurs avaient créé Oussama Ben Laden une génération plus tôt. Et tous étaient parfaitement au courant des exactions de leur créature.

Lorsqu’en 2011 le précédent chef de la police de Kandahar a été assassiné, les forces américaines ont enquêté sur Raziq, que la rumeur accusait déjà d’enlèvements et de disparitions, ainsi que de corruption. D’après un de leurs officiers, « il y avait plein de discussions pour savoir si on devait se servir de lui ou l’emprisonner ». L’armée américaine a alors choisi de le porter à la tête de la police de cette province, tout en cessant de lui confier les talibans capturés, car Raziq les tuait systématiquement au lieu de les emprisonner. De nombreux officiers pensaient qu’avec des gens de la poigne de Raziq, l’insurrection des talibans pouvait être défaite. En réalité, ses exactions ont conduit une proportion de plus en plus large d’Afghans, dont les proches ont disparu, à vouloir à tout prix se débarrasser d’un seigneur de guerre aussi sanguinaire. Les talibans ont ainsi pu appuyer leur reconquête du pouvoir en 2021 sur ces sentiments.

Les promesses d’établir une démocratie respectant les droits de l’homme en Afghanistan, qu’ont répétées pendant vingt ans les dirigeants des État occidentaux, dont ceux de la France qui a envoyé des troupes sur place jusqu’en 2015, n’étaient que camouflage. Leur domination basée sur la terreur avait besoin d’hommes de main aptes à la tâche.

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