Grande-Bretagne : entre Sunak et Starmer29/05/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/05/une_2913-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : entre Sunak et Starmer

En annonçant le 22 mai que les élections parlementaires britanniques auront lieu dès le 4 juillet, le Premier ministre Rishi Sunak a mis le monde politique et les médias en émoi.

Les travailleurs n’ont aucune raison de s’enthousiasmer, même si les conservateurs sont presque sûrs de perdre et les travaillistes de l’emporter.

Alors que les sondages donnent une avance de 20 points au Labour Party sur les conservateurs, la date choisie par Sunak a surpris, dans la mesure où la loi l’autorisait à repousser l’échéance jusqu’en janvier 2025. Un scrutin à l’automne semblait plus vraisemblable, surtout après la récente déconfiture des conservateurs aux élections locales anglaises. Finalement, Sunak a sans doute jugé que son parti était sur une pente si glissante que mieux valait tenter de limiter les dégâts avant le crash complet.

À la tête d’un parti usé par quatorze années au pouvoir, Sunak sait qu’il n’a quasiment aucune chance de conserver sa majorité. Son gouvernement est vu comme incapable d’améliorer le quotidien de la population, qui n’en peut plus de l’explosion des prix et de la dégradation des services publics, des hôpitaux et des écoles en particulier. Certes, l’inflation a ralenti en 2024, mais elle continue. Les difficultés pour se loger, se chauffer, se nourrir et se soigner empoisonnent la vie de millions de travailleurs. Faute de solutions, puisque la seule serait de faire payer les capitalistes, Sunak va continuer, pendant la brève campagne des législatives, à agiter le même hochet que depuis des mois : la démagogie anti-migrants, incarnée par sa loi Rwanda. Mais il est peu probable que ces grosses ficelles fassent oublier aux électeurs le fiasco du Brexit ni les scandales à répétition dans lesquels les Tories ont trempé.

Face à ces conservateurs largement discrédités, y compris auprès des capitalistes, le Parti travailliste emmené par Keir Starmer se présente comme la seule alternative sérieuse, incarnant le choix de la responsabilité et de la respectabilité. Sans oser se réclamer de Tony Blair, Premier ministre de 1997 à 2008, qui a laissé trop de mauvais souvenirs, Starmer suit la même ligne. Jeremy Corbyn, à la tête du Labour de 2015 à 2019, avait osé défendre en paroles la renationalisation des compagnies ferroviaires, l’abrogation de certaines lois antiouvrières et une politique étrangère moins alignée sur celle des États-Unis. Mais Starmer, lui, met un point d’honneur à écarter tout ce qui pourrait sembler trop « de gauche ».

Tout en promettant qu’il abolira la loi Rwanda, Starmer accuse les conservateurs de laisser entrer trop de migrants légaux dans le pays et s’engage à être plus strict que Sunak sur ce plan. Tout en faisant la promotion d’un « New Deal pour les travailleurs », il s’évertue à rassurer le monde des affaires sur sa rigueur budgétaire, avec succès si on en juge par sa cote dans des organes de presse patronaux comme The Economist et le Financial Times. Pour compléter le tableau, Starmer ne jure que par sa loyauté à l’égard de l’OTAN ; il reproche aux conservateurs d’avoir diminué les effectifs de l’armée et a mis au ban du Labour tous ceux qui, depuis le 7 octobre, s’opposent à son soutien sans réserve au gouvernement israélien. Ce sont autant de gages donnés par Starmer aux possédants, et autant de raisons pour les travailleurs de n’en rien attendre.

Si Sunak a mis fin au suspense concernant la date de l’élection, il n’y a pas de suspense quant au résultat. La seule incertitude sera l’ampleur de la chute des conservateurs. Mais Starmer se porte garant dès à présent que l’arrivée des travaillistes au gouvernement ne changera rien pour le monde du travail.

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