Pesticides : une loi poudre aux yeux09/10/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/10/une_2932-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Pesticides : une loi poudre aux yeux

Des usines en France produisent et exportent toujours des pesticides interdits dans l’Union européenne, malgré une loi qui prohibe cela. Des associations environnementales et l’équipe de l’émission « Vert de rage » diffusée sur France 5 ont dénoncé une situation connue des pouvoirs publics mais partie pour durer.

Depuis le 1er janvier 2022, il est interdit pour les industriels de l’agrochimie d’exporter des pesticides reconnus dangereux pour l’environnement et la santé par les réglementations européennes. Mais la loi s’applique aux produits contenant des substances interdites et non aux substances actives elles-mêmes.

Ce serait une faille législative dans laquelle les industriels se sont engouffrés. En fait, la loi a été taillée sur mesure pour que les géants de la chimie continuent de produire et exporter leur poison en toute légalité. En 2023, les autorités françaises ont autorisé l’exportation de près de 7 300 tonnes de pesticides interdits.

Ainsi, Corteva, un groupe américain qui exploite une usine dans l’Eure, a exporté 3 000 tonnes d’un fongicide interdit depuis 2017 – volume qui permettrait de traiter presque tout le territoire métropolitain – et BASF, 1 428 tonnes d’un insecticide interdit en France depuis 2004.

Les travailleurs agricoles, les paysans ou les consommateurs des pays importateurs, comme le Brésil, l’Ukraine, la Russie ou l’Inde, où ces produits sont autorisés, ne sont pas les seuls à être mis en danger car fruits, légumes ou encore épices sont à leur tour exportés vers l’Union européenne et la France, rapportant dans les rayons des magasins des cocktails de résidus phytosanitaires, à des quantités reconnues comme nocives. Vingt-et-un pesticides interdits ont été détectés en 2022 dans des denrées alimentaires en France, dont cinq au moins y sont encore produits.

Quant aux populations à proximité des usines fabriquant des produits chimiques, la loi reste muette, les contrôles et contraintes sont absents. Mais, d’après une enquête des associations environnementales, à Saint-Aubin- lès-Elbeuf, en Seine-Maritime, là où BASF a produit ses quelque 1 400 tonnes d’un insecticide dangereux autorisé à l’exportation, les concentrations de matière première dans les eaux de rejet de l’usine sont 336 fois supérieures au seuil considéré comme sans danger pour l’environnement.

Les trusts de la chimie peuvent déployer un arsenal de moyens financiers pour contourner les lois et manœuvrer afin de continuer à produire et vendre leur poison. Mais avec cette loi et la bienveillance des pouvoirs publics, ils n’en ont pour l’instant même pas besoin.

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