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La marche sur Rome
Il y aura juste quarante ans le 28 octobre, commençait la « marche sur Rome » des chemises noires de Mussolini. « Marche « qui lui donna le pouvoir pour vingt-trois années qui furent les plus terribles de l'histoire de l'Italie.
Le monde étonné découvrit un nouveau terme politique : le fascisme, qui fit par la suite la fortune que l'on sait. C'est en effet l'Italie qui fournit son modèle à Hitler. Et cela se comprend car l'utilisation systématique des masses, même petites bourgeoises, soulevées et entraînées dans des voies anti-légalistes, anti-parlementaires et insurrectionnelles, même pour protéger en dernière analyse les intérêts fondamentaux du grand capital, cela ne pouvait germer que dans la cervelle de l'ex-socialiste qu'était Benito Mussolini.
L'année précédente, en 1921, les élections avaient donné trente députés aux hommes du futur Duce. Ce n'était pas suffisant pour prendre le pouvoir légalement. D'autant plus que les socialistes étaient forts, aussi bien au parlement qu'ailleurs.
L'Italie traversait depuis plusieurs années une grave crise économique et politique. Comme tous les autres pays d'Europe, l'après-guerre l'avait secouée et, malgré la distance, quelques vagues de la révolution russe étaient parvenues jusqu'à elle. Des grèves importantes, avec les premières occupations d'usine de l'histoire du monde ouvrier, avaient eu lieu. Le parti socialiste était le parti le plus important de l'Italie, et le prolétariat italien était mobilisé dans des syndicats puissants.
Cependant la marche sur Rome ne fut qu'un simulacre de coup d'état et le pouvoir échut, sans combat, à Mussolini.
En réalité, le véritable combat s'était livré auparavant Les hommes de main de Mussolini, organisés en « fasci », avaient déjà vaincu un peu partout dans le pays. Depuis deux ans des commandos assassinaient les dirigeants politiques et syndicaux du prolétariat et même souvent les simples militants. La motorisation, la centralisation, l'organisation militaire permettaient à des petits groupes partis de différentes villes de se retrouver dans une même localité, d'abord les petits villages puis les cités industrielles, pour y disperser les réunions socialistes, prendre d'assaut et incendier les Maisons du Peuple et casser la figure ou les côtes, à tout ce qui leur tombait sous la main qui fut tant soit peu de gauche.
Face à cela les sociaux-démocrates qui eurent, pratiquement jusqu'au dernier moment, dix fois plus de force, ne bougèrent pas, ou le firent à contre-temps. Ils s'en remirent uniquement à la protection « légale ». Et l'on sait que, surtout on Italie, les carabiniers arrivent toujours trop tard. Lorsque les fascistes commencèrent à s'organiser, les dirigeants socialistes étaient pour le respect des lois et ne voulurent pas « prêter prise aux critiques » en « utilisant les méthodes que l'on réprouve chez l'adversaire ». Quand les socialistes organisèrent des milices, ce furent des milices locales, d'auto-défense, alors que les fascistes en étaient aux commandos motorisés leur permettant de concentrer en un même point dix fois plus de force que l'adversaire. Lorsque les fascistes utilisèrent l'assassinat, les dirigeants socialistes se laissèrent assassiner. Les seules répliques qu'il y eut en ce domaine, vinrent des militants anarchistes, ou furent des ripostes spontanées, désavouées par le parti.
Quand Mussolini parla, pour la première fois, dans une interview, d'un plan d'attaque de la capitale, une grande partie de l'Italie était déjà aux mains des faisceaux.
La Ligurie était complètement occupée. A Milan le siège de l'Avanti avait été incendié et l'administration socialiste de la ville chassée. A Parme, la résistance des habitants, qui avaient monté des barricades, avait été vaincue. Le climat était à l'insécurité. Les destructions, les pillages, les incendies étaient incessants.
La « Marche sur Rome « dont on parlait était entourée d'un nuage de mystère qui ne la rendait que plus inquiétante. La presse parlait de marche idéale, d'ascension spirituelle, de conquête morale.
« Cette marche sur Rome est possible stratégiquement par les trois grandes voies : la côte adriatique, la côte tyrrhénienne, la vallée du Tibre », avait dit Mussolini le 11 août. Deux mois plus tard la décision clôtura le congrès fasciste de Naples. Les 26 et 27 octobre, ordre de mobilisation fut donné aux fascistes. Le 28 la marche commença.
Le 28, en réponse, le gouvernement proclama l'état de siège dans toute l'Italie, Ses ordres sont : « arrestation par tous les moyens de tous les chefs fascistes. » Le même jour, à midi quarante, l'état de siège était levé.
Pendant ce temps les colonnes fascistes, en promenade, avançaient toujours sur Rome. Les plus proches en étaient à cent kilomètres. Deux jours après elles y entraient et défilaient devant une foule en délire.
Tout s'était passé simplement. La résistance, pour la gauche, s'était bornée à implorer un secours du gouvernement, et pour celui-ci, à démissionner lorsque le roi refusa de contre-signer le décret de l'état de siège.
C' est a ainsi que l'italie connut 23 ans de malheur, que ses jeunes et ses moins jeunes firent la guerre, car, sans discontinuer, pendant près de dix ans l'italie servit d'exemple à hitler, mais ne servit pas de leçon à la gauche. aujourd'hui même, à voir le comportement des dirigeants du prolétariat français, on croirait vraiment que ces exemples, ceux d'hitler et de mussolini, n'ont jamais existé. on croirait vraiment que ces leçons n'ont pas coûté aux prolétariats italien, allemand, espagnol et même français, des dizaines de milliers de morts, si ce n'est des millions, en comptant la guerre.
Devant les mêmes faits, les dirigeants de la gauche renouvellent les mêmes erreurs. Parce qu'en réalité, il ne s'agit pas d'erreurs. Ces gens servent en définitive la bourgeoisie, bien qu'à leur façon, et dans les crises déterminantes ils abandonnent le prolétariat ou le livrent.
Mais tous ces faits se sont déroulés dans le temps d'une vie d'homme. Et, à défaut d'avoir des partis capables, dévoués, compétents et déterminés, ce sont des millions de prolétaires qui, en Europe, portent en eux cette expérience. Seul un parti peut capitaliser cela hors des périodes de crise. Mais cette expérience que portent en eux-mêmes ces millions de prolétaires, c'est en période de crise qu'elle se manifeste. Notre bourgeoisie s'y trompe moins que nous, qui craint réellement la classe ouvrière, malgré l'état de désorganisation apparente où elle se trouve.