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Explorer la possibilité d'un nouveau parti révolutionnaire (texte de la minorité)
Texte proposé par la fraction « Etincelle », qui a obtenu 3 % des voix des délégués présents au congrès
La LCR propose de créer un nouveau parti. La démarche est la même que celle de LO après le succès électoral d'Arlette Laguiller aux présidentielles de 1995. Elle entend exploiter le succès rencontré par la candidature d'Olivier Besancenot aussi bien en terme de suffrages que de témoignages d'intérêt pour sa personne, son programme et sa politique. De plus le discrédit de la gauche, PS et PCF, a encore grandi parmi non seulement les sympathisants de la gauche de la gauche mais même les partisans de ces partis eux-mêmes, amenant certains à regarder vers l'extrême gauche. Une opportunité, au moins momentanément, semble donc s'ouvrir pour nous. La LCR, placée à l'avant-scène par les élections, a en tout cas raison de proposer de le vérifier.
Si elle existe, cette opportunité est pour l'extrême gauche toute entière. C'est autant comme le représentant de celle-ci que de la LCR proprement dite que Besancenot a été vu par beaucoup de ses électeurs. La position qu'il a gagnée, indéniable, de même que la LCR, ne l'a été aux dépens du reste de l'extrême gauche que sur le plan électoral. Au plan politique quotidien, dans les entreprises ou les localités, dans les luttes éventuelles surtout, l'importance, l'impact ou l'influence des autres organisations d'extrême gauche, dont LO, n'ont pas diminué parce que ceux de la LCR ont augmenté. La LCR commettrait une erreur si un certain triomphalisme l'amenait à croire pouvoir jouer solo, la même erreur qu'elle ou d'autres ont pu faire jadis à la suite de leurs propres succès.
LO aurait donc tout intérêt à envisager la façon dont elle pourrait se saisir de l'initiative de la LCR pour avancer les intérêts du mouvement révolutionnaire et par là contribuer à faire faire un pas vers la construction du parti trotskiste.
Certes, de toute manière, de cette initiative ne va pas surgir dans l'année qui vient le parti que nous estimons indispensable pour conduire la révolution prolétarienne vers une société socialiste : marxiste, léniniste, trotskiste, héritier politique de deux siècles de combats des communistes révolutionnaires, de leurs succès, de leurs défaites et de leurs erreurs... et surtout capable d'en appliquer les leçons à la situation du monde et de la classe ouvrière en ce début du vingt-et-unième siècle. Elle pourrait pourtant en constituer une étape.
Il est en effet inconcevable (à moins d'en repousser la perspective à l'infini) que ce parti naisse d'un développement linéaire d'un des groupes actuels qui se disent trotskistes. Ne serait-ce que parce qu'aucun d'eux n'a ni la taille, ni l'implantation, ni l'expérience donc la compétence politique pour être à lui seul l'embryon de ce futur parti. La construction de celui-ci (et la compétence de ses futurs dirigeants et militants) passera nécessairement par des étapes c'est-à-dire des regroupements avec d'autres et la formation d'organisations qui se proclameront ou pas trotskistes, voire révolutionnaires ou pas, mais dans lesquelles les trotskistes pourront et devront mener leur combat pour convaincre et gagner à leur programme et leur politique (à condition évidemment qu'ils en aient une) soit l'ensemble du parti soit en tout cas une bonne partie des militants.
Cela a toujours été la politique de ceux qui se sont appliqués à construire un parti communiste révolutionnaire, à commencer par Marx, Lénine et Trotsky. Sous prétexte de défendre leurs enseignements, il ne faudrait pas oublier ce qui a fait une grande part de leur combat : la construction d'une organisation révolutionnaire qui a alterné les moments de délimitation intransigeante avec celles des alliances et des compromis de leurs partisans avec des gens qui ne l'étaient pas. Marx prônant le fourre-tout de la 1ère Internationale ou la constitution d'une social-démocratie qui ne comprenait certainement pas que des marxistes, Trotsky passant ses dix dernières années à tenter à plusieurs reprises de rapprocher ses partisans de centristes semi-réformistes ou semi-staliniens, allant même jusqu'à pousser ses partisans américains à défendre le projet d'un parti des travailleurs qui ne se dirait même pas révolutionnaire et aurait été dominé en effet, au départ en tout cas, par des syndicalistes réformistes. Cela ne veut certainement pas dire que Marx, Lénine ou Trotsky avaient, dans ces moments-là, perdu de vue le but à atteindre, mais simplement qu'ils savaient que construire le parti impose de savoir prendre les détours nécessaires.
Bien entendu cela ne veut pas dire a contrario que tous les détours sont bons à prendre (ainsi des propositions de Trotsky aux camarades américains, qui depuis ont servi de justification à beaucoup de dérives opportunistes alors qu'elles étaient avancées dans des circonstances bien délimitées et précises). Nous ne devons nous saisir du projet de la LCR que s'il offre l'opportunité pour le mouvement communiste révolutionnaire de faire un pas en avant. Mais le rejeter ou refuser d'en être partie prenante a priori, pour la raison que le parti qu'elle propose de construire ne serait pas le parti trotskiste idéal, sans examiner soigneusement et à quelles conditions il pourrait constituer une étape dans la construction de celui-ci, est pour le moins contraire aux enseignements de Trotsky comme de Marx dont nous nous réclamons.
Dans le passé Lutte Ouvrière a su comprendre et militer pour les détours nécessaires. Quand en juin 1968 nous proposions la création d'un parti à l'ensemble des groupes dits gauchistes, PSU, maoïstes et libertaires compris, nous ne pensions évidemment pas que ce parti pourrait être un parti trotskiste. Nous n'avions pourtant pas abandonné notre objectif. Mais nous pensions que l'opportunité existait qu'un tel parti attire des jeunes et des travailleurs qui se sentaient révolutionnaires mais qui n'iraient pas, et effectivement ne sont pas allés, dans les groupes existants. Ces jeunes et ces travailleurs n'étaient certainement pas plus marxistes ni trotskistes, que ceux qu'aujourd'hui la LCR ambitionne d'attirer dans son nouveau parti. Mais nous étions prêts à aider à mettre sur pied ce parti qui se serait contenté de se dire révolutionnaire, voire simplement « gauchiste », afin d'avoir l'occasion au sein de ce cadre de les confronter et de les gagner politiquement.
Certes le projet de la LCR est encore flou et ambigu. Elle ne s'en cache d'ailleurs pas, se donnant encore 4 mois pour préciser le parti qu'elle voudrait et une bonne année pour en vérifier la faisabilité et le mettre en place. Même si en 1995 LO a abandonné son projet nettement plus vite, nous avons alors procédé de la même façon et ne proposions pas d'adhérer au parti d'Arlette sur la base du programme trotskiste. Que tout soit encore ouvert du côté de la LCR est une raison d'intervenir au moment justement où nous pourrions l'influencer. C'est pourquoi décréter a priori, et surtout sans envisager l'intervention militante qui pourrait être la nôtre, que le résultat final ne pourrait être qu'un nouveau PSU est une erreur. Sans parler de l'illogisme qu'il y a à se réjouir et trouver positive par avance la formation d'un tel parti... tout en se refusant à participer à le créer (imagine-t-on Trotsky défendant la création d'un parti des travailleurs américains tout en recommandant à ses partisans de s'en tenir soigneusement à l'écart ?)
Que l'entreprise aboutisse à un nouveau PSU est certes parmi les options qui restent possibles. Mais c'est une option à combattre. Car un nouveau PSU aujourd'hui, ce serait tout simplement la gauche de la gauche unifiée, rassemblant tout ou partie des altermondialistes, des écologistes, des Verts, du PCF, voire du PS, c'est-à-dire un parti réformiste à prétention radicale, ayant vocation à réintégrer la gauche institutionnelle et gouvernementale à plus ou moins long terme, comme tous les partis semblables à travers le monde l'ont toujours fait, y compris quand il y avait des révolutionnaires parmi ses initiateurs. La majorité de la LCR dit ne pas en vouloir, insistant sur le fait qu'elle n'a pas de partenaires de ce côté comme le prouve sa rupture avec tous ces courants à l'occasion des présidentielles. Effectivement les militants révolutionnaires s'y noieraient comme avant eux des générations de trotskistes se sont noyés dans des aventures similaires. Notre attitude ne doit certainement pas être de souhaiter qu'elle réussisse dans cette voie tout en évitant soigneusement de participer, mais au contraire de participer pour maintenir ou tirer l'entreprise sur la voie révolutionnaire.
LO doit donc répondre positivement à la LCR. Nous affirmer publiquement comme un partenaire (si elle le veut, mais il lui serait difficile de refuser si nous nous déclarons ouvertement et directement, plutôt que nous en tenir aux déclarations lénifiantes d'attention bienveillante), mais un partenaire communiste révolutionnaire, marquerait clairement le caractère politique de l'entreprise. L'affichage d'une volonté commune des deux principales organisations affirmerait, encore mieux que le programme ou le sigle de l'éventuel nouveau parti, l'ancrage de celui-ci dans le camp des révolutionnaires. Il sélectionnerait sans aucun doute ceux qui viendraient à lui, suffisant à coup sûr pour écarter les courants de la gauche de la gauche qui ne veulent pas avoir à se dire clairement révolutionnaires, sans écarter les travailleurs ou jeunes, qui sont peut-être d'abord altermondialistes, écologistes, guévaristes, internationalistes, féministes, voire se disent PCF... mais n'ont aucune réticence à se reconnaître aussi révolutionnaires, et qui l'ont prouvé en votant pour un candidat qui appartient à une organisation communiste révolutionnaire. Ce sont ceux-là que les trotskistes doivent trouver le moyen d'attirer, éduquer et organiser politiquement.
Sur la base de cette réponse positive nous devons proposer d'entamer la discussion à tous les niveaux, à commencer par celui des directions, avec ses militants et sur tous les sujets qui peuvent avoir trait à la création d'un nouveau parti. Nous devons proposer de participer activement et débattre fraternellement, en affirmant notre volonté de prendre part à la construction d'une nouvelle organisation qui se révélerait faisable, aux réunions qu'elle se propose d'organiser à travers le pays, au niveau des localités ou des entreprises, et non pas seulement comme observateur. Et nous devons proposer, à tous les niveaux également, et à toute occasion que pourront avoir les révolutionnaires d'intervenir dans la lutte de classe, de débattre de la politique qu'il conviendrait de défendre, pour les élections mais surtout pas que pour les élections. Car un parti c'est un programme à long terme mais aussi une politique immédiate, et il est nécessaire que ceux qui le composent, anciens ou nouveaux, se retrouvent sur quelques orientations essentielles dans les luttes.
Personne ne peut jurer que l'on peut aboutir à coup sûr à ce nouveau parti. Les obstacles tant politiques qu'organisationnels sont nombreux. La LCR elle-même est plus prudente. Mais l'attitude proposée ici est la seule qui permette de vérifier l'hypothèse qu'elle a formulée selon laquelle il y a aujourd'hui dans ce pays la place pour un parti d'extrême gauche d'une taille nettement supérieure aux groupes actuels, et de faire en sorte que ce parti, s'il se crée, ne soit pas un nouvel avatar de la gauche de la gauche mais une avancée pour le mouvement révolutionnaire. S'abstenir de la part de LO reviendrait, qu'on le veuille ou non, à miser sur le fait que la LCR seule ne peut qu'échouer ou dériver de plus en plus loin du mouvement communiste révolutionnaire. La politique du pire en quelque sorte car cet échec ou cette dérive ne serait pas seulement néfaste pour la LCR mais pour le mouvement trotskiste tout entier.
Le 28 octobre 2007