Meeting du 22 juin à Paris : discours de Nathalie Arthaud24/06/20242024Brochure/static/common/img/contenu-min.jpg

Brochure

Meeting du 22 juin à Paris : discours de Nathalie Arthaud

Au sommaire de la brochure

Sommaire

    Camarades et amis, nous entrons dans une période mouvementée qui angoisse beaucoup des nôtres.

    Le RN est peut-être à la porte du pouvoir, mais heureusement, et contrairement à tout ce que l’on entend mais ce n’est pas encore le fascisme.

    Le fascisme est un mouvement social. Ce sont des dizaines, des centaines de milliers d’hommes réunis dans des milices armées pour mater la classe ouvrière mobilisée, que la bourgeoisie, son gouvernement, sa police et son armée ne parviennent plus à contrôler.

    Le fascisme est né en Italie, au début des années 1920, quand Mussolini a proposé ses services à la bourgeoisie italienne pour stopper la puissante vague révolutionnaire de l’après-guerre. Il s’est ensuite développé en Allemagne, à la faveur de la crise économique qui jeta la classe ouvrière allemande dans un tourbillon de grèves et d’insurrections.

    S’inspirant de Mussolini, Hitler créa les Sections d’assaut, les SA, recrutant massivement dans la petite bourgeoisie allemande déclassée et enragée. Il fit ainsi ses preuves aux yeux de la bourgeoisie en s’attaquant violemment au Parti communiste allemand, aux socialistes, aux syndicats, aux grèves et aux manifestants en faisant régner la terreur partout où passaient ses chemises brunes.

    Il s’imposa comme le parti capable de ramener l’ordre et de conduire l’Allemagne au repartage de l’Europe, c’est-à-dire à la guerre. Mais s’il est parvenu au pouvoir en janvier 1933 au travers des élections, c’est après avoir déclenché et gagné une véritable guerre civile dans le pays.

    Ce n’est pas le contexte d’aujourd’hui mais l’évolution réactionnaire que l’on connaît peut tout à fait nous y conduire. Les nazillons qui s’imaginent à la tête de milices pour cogner sur des immigrés, sur des grévistes ou sur des gauchistes comme ils les appellent, ils existent. Ils s’entraînent déjà à petite échelle et sont particulièrement actifs dans certaines villes.

    Et nul doute qu’il existe bien d’autres cadres potentiels à un mouvement fasciste, en particulier dans la police et dans l’armée qui rassemblent à elles deux, bien plus d’apprentis fascistes que le RN qui devenu, par bien des aspects un parti parlementaire de droite extrême.

    Des apprentis fascistes, il y en a aussi du côté de ce syndicat agricole, la coordination rurale qui dans au moins un département, s’est spécialisé, entre autres, dans l’intimidation des inspecteurs du travail, les recevant à coups de fusils.

    Alors, oui les cadres fascistes existent. Ce sont les troupes qu’ils n’ont pas encore. Mais si la crise s’aggrave et accule à la ruine des petits et grands possédants, ils les trouveront.

    Et il faut s’y préparer moralement et politiquement. Car ce n’est pas en manifestant et en scandant que le fascisme ne passera pas qu’on sen débarrassera. Et ce n’est certainement pas en comptant sur des élections.

    Dans un tel contexte, il faudra que les travailleurs soient organisés, apprennent à se protéger, à protéger leurs organisations par eux-mêmes. Il faudra qu’ils soient capables d’opposer aux milices fascistes, leurs milices ouvrières et montrer autant de courage et de détermination qu’il y en aura dans le camp d’en face. Il faudra qu’ils aient conscience que pour empêcher la victoire du fascisme, ils devront eux-mêmes monter à l’assaut du pouvoir.

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    Cette fois, pour propager des illusions, les partis de gauche se sont alliés sous la marque du Front populaire. C’est une nouvelle appellation trompeuse. Car le Front populaire a recoupé deux choses complètement différentes : une union électorale qui faisait s’aligner le PS et le PC de l’époque sur le programme du parti radical bourgeois, ce qui était une trahison du programme ouvrier ; et de l’autre côté, une des plus grandes grèves ouvrières qui ouvrit, elle, des perspectives inédites pour les travailleurs et pour toute la société.

    La situation d’alors était marquée comme aujourd'hui par la crise et toute une évolution réactionnaire. L’Italie avait basculé dans le fascisme, l’Allemagne dans le nazisme. Et en 1934, les ligues fascistes se développaient aussi en France.

    Quand certaines tentèrent, le 6 février 1934, de marcher sur l’Assemblée nationale, ce fut un électrochoc pour la classe ouvrière qui était divisée entre les deux grands partis ouvriers de l’époque : le parti communiste et les socialistes. Sans attendre la permission de leurs chefs respectifs, les travailleurs et les militants imposèrent l’unité par en bas, dans les manifestations et dans les entreprises.  

    Ce sont les travailleurs mobilisés qui coupèrent l’herbe sous le pied de l’extrême droite et donnèrent l’élan de la victoire électorale, pas l’inverse ! Contrairement aux fables racontées aujourd’hui par la gauche, ce n’est même pas la victoire électorale de Léon Blum qui donna les congés payés : la mesure n’était même pas inscrite au programme !

    Les congés payés furent obtenus par la grève générale et les occupations d’usines de juin 1936 qui se répandirent comme une traînée de poudre dans tout le pays. L’ampleur des concessions fut à la mesure de la surprise et de la peur de la bourgeoisie française, qui se précipita la première à la table des négociations alors même que Léon Blum, lui, ne voulait pas céder aux grévistes.

    Le gouvernement du Front populaire fut utile, oui, pour sauver la mise à la bourgeoisie, aux « 200 familles » comme on disait à l’époque ! Il fut utile pour canaliser la grève et pour que les ouvriers ne contestent pas la propriété privée des usines, qui étaient occupées et qui auraient très bien pu être relancées pour le compte des seuls travailleurs.

    A l’époque, c’est le PCF et son chef, Thorez, qui mit tout son poids dans la balance pour faire reprendre le travail, parce que comme il le disait si bien « il faut savoir terminer une grève » et « tout n’est pas possible ».

    Telle une douche froide, le gouvernement du Front populaire refroidit les ardeurs des travailleurs qui venaient tout juste de mesurer l’immense force de leur classe.

    Au même moment, la révolution espagnole était trahie par ses chefs réformistes et conduite, elle aussi sur une voie de garage par la même politique du « Front populaire » d’ailleurs.

    Un an seulement après la grève générale de 1936, le gouvernement de Front populaire abolissait la semaine de 40 h et rétablissait la semaine de 48 h, faisait tirer sur une manifestation ouvrière à Clichy, faisant 6 morts et 300 blessés. En 1939, il interdisait le Parti communiste. Et le dernier acte politique de la chambre de Front populaire fut de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

    Alors oui, à nous aussi, l’histoire du Front populaire sert de modèle. Mais c’est le modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Car la véritable histoire du FP, c’est qu’il n’a pas fait barrage au fascisme et à la guerre, il s’est au contraire opposée au seul moyen de le combattre : l’unité des travailleurs en lutte et la prise de conscience qu’ils devaient renverser le capitalisme et diriger eux-mêmes la société !

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    Devant le recul politique de la classe ouvrière, devant le profond recul de la conscience de classe qui ouvre la porte à des aventures mortelles, il n’y a ni baguette magique, ni raccourci.

    Il n’y a qu’une seule voie : défendre une politique de classe. Réveiller la conscience de classe qui sommeille y compris chez les travailleurs les plus écrasés qui croient trouver le changement dans le RN.

    La conscience de classe n’a jamais été innée. La classe ouvrière baigne dans la société bourgeoise dont elle reprend forcément les mœurs individualistes, les aspirations, les préjugés divers. Et puis les travailleurs sont livrés à la concurrence et aux divisions entretenues sans cesse par le patronat.

    Pour les combattre et faire prendre conscience aux travailleurs qu’ils forment une classe à part, avec des intérêts communs, il n’y a qu’une seule voie : organiser les travailleurs et s’appuyer sur toutes leurs luttes aussi moléculaires soient-elles pour faire émerger cette conscience de classe.

    Il faut montrer aux travailleurs une voie concrète de lutte pour aujourd'hui et pas seulement pour l’avenir. Dans cette séquence électorale où chaque écurie politicienne présente son programme, la première des choses, c’est d’appeler les travailleurs à ne pas être passifs.

    Il faut rassembler les travailleurs que nous avons autour de nous et ensemble, réfléchissons aux mesures qui pourraient vraiment changer notre vie. Formulons nous-mêmes nos revendications.

    Laissons de côté les mesures toutes faites des politiciens qui sont aussi vagues que mensongères. Nous n’avons pas besoin de leurs larmes de crocodile pour mesurer la flambée des prix et le recul de notre pouvoir d’achat : nous avons notre portefeuille pour le rappeler tous les jours, et lui, il ne ment pas !

    Et nous n’avons absolument besoin de personne pour connaître la seule et unique réponse à cette dégringolade : l’augmentation des salaires, des allocations et des pensions !

    Quand on discute entre nous de ce qu’il faut pour vivre, tout le monde convient qu’il faudrait 300, 400, 500 euros d’augmentation, et que 2 000 € de salaire net est un minimum. Eh bien voilà nos exigences ! Et qu’on n’attende pas un an pour avoir une nouvelle augmentation.

    Les prix augmentent continuellement, eh bien il faut que nos salaires augmentent en même temps que l’augmentation réelle des prix. Pas de l’inflation officielle qu’ils sortent de leurs statistiques qui déforment toujours la réalité, mais de l’augmentation que nous constatons nous-mêmes au supermarché ou à la pompe à essence.

    C’est ce que l’on appelle l’indexation des salaires sur l’inflation. Le mouvement ouvrier employait une expression plus imagée : l’échelle mobile des salaires. Eh bien, retenons cette idée : oui, quand les prix montent, notre salaire doit monter, lui aussi. Nos salaires, comme nos allocations, comme nos pensions.

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    Discutons aussi avec nos camarades de travail de l’emploi et la charge de travail. Discutons de ce qu’il nous faudrait pour rendre le travail vivable. Pour que les uns ne laissent pas leur peau au boulot pendant que les autres crèvent au chômage. Combien d’embauches, il faut dans tel ou tel atelier, quel temps de travail pour ne pas finir sur les rotules ? Si nous avions, collectivement, le pouvoir de diriger notre entreprise, quelles seraient nos premières décisions ?

    Si nous demandions au personnel des hôpitaux, des Ehpad, de l’éducation, des transports publics d’établir une liste d’embauches dont ils auraient besoin, on arriverait certainement à des centaines de milliers d’emplois utiles et indispensables à créer tout de suite !

    Eh bien voilà nos exigences : que l’on répartisse le travail de sorte de baisser le temps de travail et la charge de travail pour permettre à tous d’avoir un emploi et un salaire.  

    Et comme nous sommes « réalistes », il faut aussi discuter de la question du financement. Mais de quoi discuter quand nous ne savons pas ce qu’il y a des caisses de notre entreprise ? Quand c’est le secret et l’opacité la plus totale ?

    Eh bien, défendons le mot d’ordre de la transparence des comptabilités et du contrôle des travailleurs. On ne peut pas sans cesse s’incliner devant les mensonges de ces patrons qui nous expliquent avec des trémolos dans la voix qu’il n’y a pas d’argent pour embaucher les intérimaires qui sont là depuis des mois, alors qu’ils trouvent toujours des millions pour arroser les actionnaires.

    Mais qui imposera toutes ces exigences ? Pas Bardella qui est allé ramper devant le Medef pour l’assurer de son dévouement, ni la gauche qui ne l’a jamais fait et qui est, elle aussi, allée faire des mamours au patronat, il y a deux jours.

    Seuls les travailleurs unis et combatifs peuvent les imposer quand ils seront poussés par la révolte de voir qu’un Bernard Arnault peut accumuler plus de 200 milliards d’euros de fortune, que les actionnaires de Stellantis touchent, chaque jour qui passe, 18 M d’euros, alors que les ouvriers de ce même groupe, qui se lèvent à 4 heures du matin et s’esquintent la santé, atteignent péniblement les 1800 € !

    Il n’y a pas le choix, si nous ne voulons pas être sacrifiés sur l’autel des fortunes de la bourgeoisie, si nous voulons enrayer la catastrophe d’une société de plus en plus inégalitaire et prédatrice, il faut que les travailleurs retrouvent, ensemble, la volonté d’agir !

    La perspective que nous défendons est celle de l’organisation des travailleurs. C’est celle de l’unité des travailleurs sur leur terrain de classe.

    Et quand ils se remettront à agir pour leurs intérêts communs d’exploités contre les seuls et uniques responsables du gâchis actuel, ils ne marcheront plus derrière des diviseurs de l’extrême droite. Ils marcheront pour leurs intérêts et ceux de tous les opprimés, ce faisant, ils feront à nouveau progresser toute la société !  

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    Parmi les catastrophes devant nous, il y a aussi la marche à la guerre.

    Ce qui nous menace, c’est d’être à notre tour envoyés sur des champs de bataille en Ukraine ou ailleurs pour les intérêts des industriels et des financiers, et que notre vie soit mise dans les mains de généraux qui ont prouvé qu’ils se moquent de la vie des femmes et des hommes des classes populaires.

    Sur cette question, même si les uns ou les autres cherchent à se distinguer de la surenchère militaire de Macron, ils partagent tous la même politique guerrière, la même politique de défense de l’impérialisme français. Car défendre les intérêts de la France à l’étranger, cela n’a rien à voir avec les intérêts des exploités et des pauvres. C’est défendre les intérêts des Bolloré, des Pinault, des Michelin…c’est défendre la domination de la bourgeoisie française aux quatre coins de la planète.

    Alors, sans surprise, le programme de campagne du Nouveau front populaire a retenu les positions les plus va-t’en guerre de tous, celles formulées par Raphaël Glucksmann pendant les Européennes, prévoyant un soutien militaire à l’Ukraine sous forme de livraison d’armes.

    Quant au RN, ses formules pacifistes, souverainistes et anti-OTAN ne résistent pas plus que son programme social puisque même là-dessus, Bardella vient de rétropédaler en disant, je le cite : « on ne change pas les traités en période de guerre » car, je le cite encore il n’entend pas « affaiblir la voix ou l’engagement de la France sur la scène internationale ».

    Si l’entrée de la France dans une guerre dite de haute intensité, n’est pas, pour l’immédiat, à l’ordre du jour, elle est en germe dans la réalité des relations internationales.

    Car nous sommes dans une situation où la guerre économique entre capitalistes est exacerbée parce que les marchés solvables et les réserves de matières premières sont limités et non extensibles. La confrontation ne cesse de monter entre d’un côté la Chine, nouvelle puissance économique montante qui essaye de se tailler une place dans l’économie mondiale, et les États-Unis, première puissance impérialiste du monde.

    Dans ce contexte, le petit impérialisme français ne peut conserver sa place dans l’ordre mondial qu’en se mettant à la remorque des Etats-Unis.

    Cette future guerre, quel que soit le prétexte initial invoqué, la défense d’un petit pays agressé par son puissant voisin, la défense de la démocratie face à un dictateur, sera une guerre impérialiste, c’est-à-dire une guerre des puissances qui dominent le monde, États-Unis en tête, pour conserver leur suprématie.

    Cette guerre ne sera pas celle des travailleurs, des classes populaires, des exploités. Ceux-là seront envoyés croupir dans des tranchées, se terrer dans des abris, mourir ou se faire amputer pour que les Total, Dassault, Bolloré, Stellantis éjectent leurs concurrents.

    Alors, il faudra que des femmes et des hommes pour dire haut et fort que cette guerre n’est pas la leur. Que l’ennemi principal est dans notre propre pays.

    Et ils devront tenir à contre-courant car plus le temps passe, plus la guerre se rapproche, plus les discours patriotards et chauvins se banalisent et plus nos idées internationalistes et communistes seront difficiles à défendre. Et cela quel que soit le ou les gouvernements qui vont se succéder.

    Si certains peuvent avoir l’espoir de faire barrage au RN dans les urnes, comment croire que l’on ferra barrage à la montée du nationalisme et de la guerre dans les urnes ?

    Le capitalisme fait planer le danger incessant de crises toujours plus graves. La crise climatique, les souffrances qu’elle va engendrer, les migrations forcées qu’elle va provoquer sera elle-aussi source de crises profondes et peut-être de guerres.

     

    Beaucoup, comme la dirigeante de la CGT, nous disent qu’il est minuit moins une. Mais à Gaza ou en Ukraine, c’est minuit passé, depuis longtemps. Pour les femmes et les hommes qui meurent en essayant de traverser la méditerranée, pour tous ceux qui n’ont tout simplement rien à manger, qui n’ont plus de toit, c’est plus que minuit passé.

    Alors, ici, il est peut-être minuit moins une, mais pas parce que Bardella risque de s’installer à Matignon. Parce que la classe ouvrière n’est pas préparée à tout cela, parce qu’elle n’est pas organisée, parce qu’elle n’a pas de politique indépendante pour défendre ses intérêts à court et à long terme.

    Comme le disait Rosa Luxembourg au moment de la première guerre mondiale, c’est le socialisme ou la barbarie ! Cette conscience d’avoir à renverser le pouvoir de la bourgeoisie, d’avoir à détruire le capitalisme pour fonder une société sur des bases communistes a quasiment disparu. La propager de nouveau est notre raison d’être. Armons politiquement la classe ouvrière aux combats qu’elle a à mener. Affirmons que la classe ouvrière a la capacité de changer son sort et celui de toute la société !

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    Je le redis, nous entrons dans une période qui sera de plus en plus agitée et mouvante. La crise politique en cours n’a pas commencé dimanche dernier et elle ne se terminera pas le 7 juillet.

    Celle-ci est profondément liée à la crise du capitalisme où la concurrence se fait de plus en plus dure et où la bourgeoisie est de plus en plus féroce avec les travailleurs et plus exigeante vis-à-vis de ses serviteurs politiques. Et qu’ils viennent de droite, de gauche ou d’ailleurs, ses politiciens s’usent de plus en plus vite auprès de l’électorat populaire.

    En 2017, quand Macron a surgi, tel un OVNI aux yeux du grand public, tous ses supporters nous ont expliqué qu’il allait offrir une cure de jouvence à la démocratie bourgeoisie. Elle a été de courte durée. Et le macronisme sera peut-être enterré en même temps que la démocratie !

    Dans certains pays, la bourgeoisie a résolu le problème de l’instabilité politique en confiant les commandes gouvernementales à des régimes autoritaires. Elle préfère encore cela à l’incertitude très mauvaise pour les affaires. Aux Etats-Unis, elle a trouvé une forme de stabilité avec un système d’alternance réduit à l’affrontement de deux blocs politiques qui rend quasiment impossible le surgissement d’une force politique en dehors des appareils démocrates et républicains.  

    Laissons à la bourgeoisie française et à ses politiciens le soin de trouver une solution pour gérer son système qui est en train de pourrir tant sur le plan économique que politique. En tout cas elle est loin de tout maîtriser et il y a une chose qu’elle ne contrôle pas du tout, ce sont les réactions, les soubresauts dans la société, l’agitation sociale que cette instabilité va provoquer.

    En fonction du nouveau gouvernement qui sortira de tout ce remue-ménage, on peut les imaginer dans deux sens opposés.

    Dans l’hypothèse de l’arrivée d’un gouvernement NFP, on peut craindre des réactions de la part des supporters du RN enragés que leur parti ait été une fois encore écarté du pouvoir. Ces réactions pourraient venir de bien des côtés : des agriculteurs, des petits patrons, voire de la police. L’évolution fasciste dont j’ai parlé tout à l’heure pourrait aussi naître de ce sentiment d’avoir essuyé un affront électoral de la part d’une gauche littéralement haïe par les plus racistes et certaines catégories sociales. 

    Dans l’autre hypothèse où le RN arrive au pouvoir, comment la jeunesse des quartiers populaires réagira-t-elle ? Est-ce que le RN, voire la police multiplieront les provocations engendrant à leur tour de nouvelles réactions ? Est-ce que les nazillons en profiteront pour parader et faire le coup de poing ?

    Et puis, que ce soit le RN au pouvoir ou le NFP ou encore une troisième version gouvernementale, ils seront tous contraints, sous les diktats des financiers et de la grande bourgeoisie, de continuer l’offensive anti ouvrière et d’attaquer les conditions d’existence des travailleurs. D’une façon ou d’une autre, ces attaques provoqueront des réactions collectives, des manifestations, des grèves, peut-être une explosion sociale. 

    Alors, il ne faut pas seulement se préparer à l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Il faut se préparer à un tourbillon d’évènements sociaux, de coups de colère, de mobilisations qui iront dans tous les sens.

    Qui dirigera ces luttes ? Avec quels objectifs ? Celui de remplacer un gouvernement anti-ouvrier par un autre ou permettre aux travailleurs d’imposer leurs propres exigences avec l’objectif et la conscience d’avoir à prendre le contrôle de toute la société ? 

    Dans toute cette agitation, il sera crucial que les travailleurs, qu’ils aient voté RN ou NFP se fassent entendre. Il sera vital qu’ils puissent emmener les luttes qui naitront sur le seul terrain qui vaille : celui de l’affrontement avec la classe capitaliste. Pour cela il faudra qu’ils se battent ensemble sans se laisser diviser selon leur vote, leur statut ou leur origine. 

    Cela suppose qu’existe des militants capables de proposer une politique de classe aux travailleurs ; des militants qui sachent dans quelle direction aller et qui ont une claire conscience des rapports de force. 

    Pour cela il faut des militants liés par tous leurs pores à la classe ouvrière, capables d’avoir sa confiance et de l’aider à s’organiser. C’est ce genre de militants là que nous devons tous être !  

    ******* 

    Après les trahisons du PS et du PC, qui furent révolutionnaires dans leur jeune âge, eh bien, il faut reconstruire.

    Il faut reconstruire un parti communiste révolutionnaire internationaliste capable d’offrir une politique aux révoltés. Nous ne repartons pas de zéro. Nous héritons de deux siècles d’un mouvement ouvrier riche de luttes, de succès et d’erreurs, de grandes victoires et d’échecs graves.

    Les pages d’histoire écrites par les communards ou par les ouvriers et les paysans russes entre 1917 et 1925 sont extraordinaires pour tous les opprimés qui aspirent à s’émanciper. Mais c’est aussi des échecs, bien plus nombreux, des révolutions avortées, réprimées ou trahies que l’on apprend beaucoup.

    Cette somme d’expériences et tout le capital politique accumulé par le mouvement ouvrier à l’échelle internationale ont pour nous d’une importance cruciale, nous devons les connaître et les faire nôtres.

    Beaucoup ici connaissent notre insistance pour lire et réfléchir à toutes les leçons politiques que l’on peut tirer de ces situations. Et s’il y a une chose qui dépend de nous et de nous seuls, c’est bien notre détermination à le faire.

    Car une chose est certaine, c’est que tous ceux qui cherchent véritablement le chemin de la révolution le trouveront en suivant les pas et les idées de Marx, Lénine, Rosa Luxembourg, Liebknecht, Trotsky.

    Le parti communiste révolutionnaire capable de changer le cours de l’histoire sera marxiste, parce que c’est Marx qui le premier a découvert la seule force sociale capable de renverser le capitalisme : la classe ouvrière. Et il nous apprend pourquoi nous devons placer notre confiance dans cette classe d’exploités.

    Le parti capable d’aider les travailleurs à prendre le pouvoir sera léniniste, parce que c’est Lénine, le premier qui a trouvé la forme et les méthodes d’organisation nécessaires au parti révolutionnaire.

    Et il sera trotskiste, car si la perspective communiste est toujours vivante, on le doit à Trotsky qui a combattu la caricature sanglante que Staline en a faite et qui nous a transmis un drapeau sans tâche sans lequel on peut être fier.

    Ce parti qui doit s’ancrer dans la classe ouvrière et ses luttes, il faut bien sûr le construire dans les entreprises et dans les quartiers autour de noyau de travailleurs conscients. Autour de travailleurs qui prennent l’habitude de se réunir pour discuter de leurs affaires, pour examiner tous les événements, toutes les crises politiques et la moindre décision gouvernementale en se demandant à chaque fois : où sont nos intérêts ?

    Avant que l’histoire confronte le parti révolutionnaire aux tâches nombreuses de la prise du pouvoir et de l’exercice du pouvoir, sa construction commence à cette échelle-là, et chacun d’entre nous peut y contribuer. La qualité essentielle requise est la ténacité et l’obstination militante.

    En ce qui concerne le type d’organisation, eh bien, le petit branle-bas de combat électoral que nous venons de vivre ces deux dernières semaines, nous donne une idée de ce qui est nécessaire de construire.

    Nous avions en effet seulement quelques jours pour décider de participer à ces législatives, déposer nos candidatures et tout le matériel nécessaire. Habituellement nous le faisons sur trois ou quatre mois. Il a donc fallu décider vite, agir vite et se démultiplier.

    Tous les obstacles matériels et financiers sont loin d’être réglés. Nous nous sommes heurtés à bien des difficultés, une partie de notre matériel électoral a été refusé par les préfectures sous prétexte d’avoir été livrés hors délai. Alors, les prochains jours vont encore être bien remplis, car nous allons nous donner les moyens de contourner toutes ces difficultés et j’espère que vous allez nous y aider, parce que nous aurons besoin de toutes les bonnes volontés.

    Mais nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir de ce que nous avons fait : nous présentons 550 candidats, c’est-à-dire des candidats dans quasiment toutes les circonscriptions, y compris à Mayotte et en Guyane, pour offrir une politique indépendante aux travailleurs et pour les rassembler derrière un vote de conscience de classe. C’est le fruit de notre volonté militante et je dirai même de notre acharnement militant, eh bien nous pouvons collectivement en être fiers !

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    Cela ne garantit pas que nous saurons faire face aux véritables tempêtes qui nous attendent. Nous aurons à subir des pressions et une hostilité bien plus grande quand l’affrontement quittera le terrain électoral pour se mener sur le terrain social. Et ce sera encore tout autre chose quand le gouvernement et l’état-major décideront de nous entraîner dans la guerre.

    Mais ce petit branle-bas de combat nous permet de comprendre l’importance de construire sur du solide. Sur des convictions et un engagement solide. Cette minuscule mise à l’épreuve montre l’importance de se comprendre vite, de raisonner dans le même sens et pour cela, de partager un capital politique commun.

    Elle montre comment il faut partager la même volonté de se battre, et combien sont importants les liens de confiance établis par des mois et des années de militantisme commun. Avoir réussi à relever ce défi nous indique que nous sommes dans la bonne voie et qu’il faut continuer !

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    Pour conclure, comme nous l’avons constaté à travers les élections européennes, nous sommes à contre-courant. Nous défendons la nécessité pour notre classe de se défendre par elle-même alors qu’elle est aujourd’hui largement résignée.

    Mais nous devons tenir nos convictions, nos raisonnements marxistes dont la valeur n’est pas liée à la combativité, ni même au niveau de conscience des travailleurs. Car ce ne sont pas les idées qui gouvernent le monde. C’est la lutte de classe qui ne s’arrête jamais.

    La conjonction de la crise économique et de l’instabilité politique, si elle débouche sur des explosions sociales, recèle d’immenses possibilités pour la classe ouvrière en même temps que de grandes menaces. Tout dépendra de la direction politique que trouveront ces explosions sociales.

    C’est dans les périodes où la lutte de classe devient intense, où la politique cesse d’être l’affaire d’une caste spécialisée au service de la bourgeoisie, lorsque des centaines de milliers de femmes et d’hommes s’intéressent à la vie de la collectivité et deviennent conscients du fait que l’avenir dépend d’eux, que la transformation de la société devient possible et que peuvent surgir de nouvelles générations de militants prêts à agir dans ce sens.

    Mais avant cela, saisissons-nous du combat électoral présent. Continuons de nous démultiplier pour cette dernière semaine de campagne. Créons et renforçons notre réseau de travailleurs autour de chacune de nos candidatures.

    Alors camarades, bon courage pour tout, bonne campagne !  

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